Hausse de l’endettement et investissements majeurs depuis quelques années, hausse des taux d’intérêts, hausse du prix des terres, hausse du prix des intrants, conditions météo particulièrement difficile dans le maraicher et l’acéricole, crise dans le secteur porcin… La tempête économique parfaite semble en vue pour bien des fermes du Québec.
Les producteurs réévaluent leurs priorités, ce qui peut se traduire par une plus grande sensibilité au prix et une loyauté moindre envers les fournisseurs. Comme fournisseur, comment réagir face aux baisses de revenus qui s’annoncent?
Voici plusieurs pièges à éviter.
Piège No 1 : Mettre tous ses clients actuels et potentiels dans le même panier.
On ne le répètera jamais assez : s’adapter au marché des producteurs agricoles, c’est s’adapter aux différents groupes de producteurs agricoles.
La recherche a démontré que les consommateurs réagissent de 4 façons* à une économie chancelante :
Les Prudents : Anxieux et précaires, ils réduisent toutes leurs dépenses.
Les Résilients préoccupés : La situation économique leur fait mal mais ils restent forts et économisent modérément. C’est souvent le plus grand groupe.
Les Aisés sélectifs : Ils maintiennent leur niveau d'achat mais deviennent plus sélectifs.
Les YOLO : Vivant au jour le jour, ils sont prêts à dépenser comme avant, quitte à payer pendant plus longtemps.
En travaillant de pair avec votre personnel de ventes, il y a fort à parier que vous pourrez attacher des noms de fermes à ces groupes.
Piège No 2 : Adaptez vos tactiques à court terme en fonction du profil de chaque groupe visé.
Selon le ou les profil(s) visé(s), adaptez vos tactiques. Voici quelques idées.
Les Prudents : Misez sur la rétention de clientèle.
Si vous offrez des produits essentiels comme de l’alimentation animale, les éleveurs vont continuer à acheter mais vont tenter de baisser la facture. Attention : ils risquent de magasiner chez le concurrent. Soyez proactifs et offrez à vos clients des solutions avant qu’ils ne vous posent des questions.
Si vous offrez des produits qui peuvent être reportés ou vus comme non nécessaires, on vous réfère au piège no 5!
Les Résilients préoccupés : Diminuez leur niveau d'anxiété.
Envisagez des promotions avec gratifications immédiates (rabais, financement à taux réduit) pour les fidéliser, mais évitez leur surutilisation pour ne pas dévaluer le prix régulier perçu.
Pour un concessionnaire, ce peut être de mettre ses efforts de communications sur la réparation d’équipement et la vente d’usagé, moins coûteux que de la machinerie neuve.
Si c’est possible de séparer votre produit en offre modulaire, ce pourrait être une avenue, par exemple de vendre un robot de traite de base mais avec des accessoires qui peuvent s’ajouter une fois la situation économique plus avantageuse. Vous y gagnez deux fois plutôt qu’une : vous aidez le producteur pour ses besoins immédiats et vous l’aidez à avoir des bénéfices additionnels plus tard.
Les Aisés sélectifs : Bonifiez.
Ciblez-les avec des offres bonifiées, où ils obtiennent plus de valeur pour leur argent. (Une croisière à l’achat d’une batteuse! On jase. ;)
Les YOLO : Sollicitez.
Les Ventes devraient solliciter ces producteurs activement (tout en s’assurant de leur capacité de payer).
Piège No 3 : Ne pas profiter de la situation pour aider de nouveaux clients
Les Ventes vous diront que les temps sont durs. Et ils auront raison. Toutefois, les stratégies que vous mettez en place pour chaque profil de clients – des offres bonifiées pour vos clients aisés sélectifs par exemple – peuvent certainement aider des clients de la compétition.
La théorie de l'évolution de Darwin ne s'applique pas qu'aux espèces :
« Les [entreprises] qui survivent ne sont pas les plus fortes ni les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux aux changements. »
Adaptez-vous mieux aux besoins du marché que vos concurrents ! Les tactiques mentionnées avant sont aussi valables pour les prospects!
Piège No 4 : Couper grossièrement dans les budgets marketing
Éliminez les éléments non performants de manière chirurgicale (produits peu performants qui demandent des ressources, tactiques avec un retour douteux, etc.) et réallouez ces budgets – en tout ou en partie – à ce qui a été éprouvé.
Investir dans le développement de vos produits pour en améliorer la rentabilité pour le producteur ou diminuer le coût à l’achat ou à l’usage de vos produits pourraient aussi être des avenues à considérer.
Piège No 5 : Miser uniquement sur des stratégies à court terme
S’adapter à la situation mieux que ses concurrents, c’est aussi anticiper la reprise.
Plusieurs fermes vont simplement reporter les achats de produits jugés non essentiels. Il est très important de rester très près de ces clients potentiels, de consolider les relations interpersonnelles avec eux et de les "nourrir" (on utilise souvent le terme nurturing en anglais). Autrement dit, faites-les rêver et jouez sur la mise de l’avant des critères de choix uniques à votre entreprise. De tous les fournisseurs de matelas, vous offrez de loin la meilleure garantie de la province? Tapez sur ce clou autant que vous le pouvez. Il y a fort à parier qu’une fois notre producteur prêt, il validera ce critère chez les 2-3 entreprises qu’il pourrait considérer.
Si vous le pouvez, continuez les tactiques qui ont un impact sur le long terme, surtout si vos cycles de ventes sont longs (ex. machinerie). La publicité, les salons commerciaux, les investissements sur la marque ne sont pas à négliger. Si vous pouvez augmenter vos budgets en ce sens, c’est encore mieux. Idem pour la préparation de votre lancement d’une nouvelle innovation : soyez prêt à faire feu quand le moment sera propice.
L’idée, c’est d'être perçu comme plus attrayant que la compétition, quand les producteurs se remettront à dépenser.
Piège No 6 : Altérer le message véhiculé par la marque
Maintenir une marque reconnue en qui les producteurs ont confiance, c’est l’un de vos meilleurs atouts pour réduire vos risques d'affaires… et les risques perçus de vos clients fidèles. Continuez à marteler vos messages sur votre proposition unique de vente (unique selling proposition), à miser sur la connexion émotionnelle et l’empathie (ex. « avec vous, pour affronter le meilleur et le pire »).
Focussez sur vos clients fidèles qui recherchent votre marque et vos avantages concurrentiels. Ce n’est surtout pas le moment de paniquer et de changer votre marque haut de gamme avec des messages qui misent sur les bas prix ou encore de diminuer la qualité de vos produits et de votre service-client. Ça, c’est non! Comme on dit en politique, il faut continuer de plaire à sa base!
Bien qu'il soit sage de maîtriser les coûts, ne pas soutenir les marques et les évolutions des besoins des clients peut compromettre les performances à court et à long terme. Les entreprises doivent adopter une approche agile, ajuster leurs stratégies en réponse à la demande changeante et rester fidèles à leur proposition de valeur. La surveillance attentive des besoins des clients est cruciale pour prospérer pendant et après une récession.
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* Source : QUELCH, J. et JOCZ, K., “How to Market in a Downturn”, Harvard Business Review, https://hbr.org/2009/04/how-to-market-in-a-downturn-2.
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